Quatre paramilitaires tués à Islamabad où les pro-Imran Khan accentuent la pression
Quatre paramilitaires ont été tués mardi au Pakistan dans des heurts entre les forces de sécurité déployées en masse à Islamabad et des milliers de partisans de l'ex-Premier ministre Imran Khan venus dans la capitale pour réclamer sa libération.
Galvanisés par Bushra Bibi, l'épouse tout juste sortie de prison de l'ancienne star du cricket de 72 ans, incarcéré et poursuivi pour une centaine d'affaires, ils sont entrés dans Islamabad et progressent vers D-Chowk: c'est sur cette place qu'ils entendent mettre la pression sur le gouvernement qui siège dans le quartier adjacent et y reçoit actuellement en grandes pompes le président bélarusse Alexandre Loukachenko.
Plusieurs ministres ont annoncé la mort des quatre paramilitaires, renversés selon eux par des manifestants à bord d'un véhicule. Lundi soir, la police avait rapporté le décès d'un de ses officiers, tué à l'extérieur d'Islamabad, lorsque les manifestants marchaient vers la capitale.
Waqas Akram, député du Tehreek-e-Insaf (PTI), le parti de M. Khan, a expliqué à l'AFP que le cortège réclamait "la libération de tous les militants et dirigeants du PTI", assurant que c'était "aussi la priorité d'Imran Khan" qui rencontre chaque semaine ses lieutenants au parloir. "Nous défilerons jusqu'à l'obtention de ces exigences".
Pour parvenir jusqu'à Islamabad, les manifestants ont dû déplacer des centaines de containers installés pour barrer les routes.
- Visite "perturbée" -
Les manifestants, eux, répliquent par d'autres grenades lacrymogènes, des jets de pierre et de bâtons.
"La réponse de l'Etat est complètement disproportionnée", a dénoncé le député Akram. "Nous avons le droit de manifester", a-t-il martelé, alors qu'il a lui-même été présenté en septembre à un juge anti-terroriste pour avoir contrevenu à une récente loi restreignant le droit de rassemblement dans la capitale.
L'appel à manifester avait été lancé pour dimanche. Alors, le cortège du PTI s'était mis en branle depuis les provinces limitrophes de la capitale du cinquième pays le plus peuplé au monde.
S'exprimant depuis le quartier ultra-sécurisé de D-Chowk, le ministre de l'Information Attaullah Tarar s'en est pris au PTI: "pourquoi manifestent-ils toujours pendant les visites internationales?", a-t-il lancé.
"Le président bélarusse a signé des accords et dit du bien du Pakistan et ces gens nous attaquent", a-t-il encore affirmé. "Personne ne sera autorisé à perturber cette visite".
Depuis dimanche, "plus de 20.000 membres des forces de sécurité ont été déployés", selon la police d'Islamabad, tandis que le ministre de l'Intérieur Mohsin Naqvi répète que "ceux qui iront à D-Chowk seront arrêtés".
Washington a "exhorté" les autorités à "respecter les droits humains", tout en appelant les manifestants à être "pacifiques".
- "Containeristan" -
Depuis des jours, les autorités ont sorti les grands moyens, allant jusqu'à susciter l'interrogation.
Dès le début de la semaine, Islamabad avait déclenché l'"article 144", qui interdit tout rassemblement de plus de quatre personnes, pour deux mois. Le Pendjab, où vivent plus de la moitié des Pakistanais, lui a emboîté le pas samedi, pour trois jours.
"Les autorités vivent dans une mentalité de siège - un état dans lequel elles se voient toujours en danger et vivent dans la peur permanente d'être renversées", accuse dans une tribune Maleeha Lodhi, ex-diplomate pakistanaise.
Quant à Dawn, le quotidien de référence en anglais, il "se demande si la police d'Islamabad se prépare à une guerre": "transformer Islamabad en +Containeristan+, est-ce vraiment nécessaire?".
Les écoles de la capitale restent fermées et l'Etat martèle que "le réseau internet mobile et le wi-fi seront coupés" partout où il verra "un danger". Depuis dimanche, aucun quartier n'a échappé à ces coupures.
La Commission pakistanaise des droits humains (HRCP), principale ONG de défense des libertés du pays, dénonce des blocages qui "pénalisent les citoyens ordinaires, en particulier les travailleurs journaliers dont le revenu dépend de la liberté de mouvement".
- "Tout ce qu'Imran Khan nous dira" -
Les pro-Khan, eux, balaient invariablement les menaces d'un revers de la main. Ainsi, Mazhar Karim l'assure: "nous ferons tout ce qu'Imran Khan nous dira".
"Il nous a demandé de venir ici, nous voilà", lance-t-il à l'AFPTV dans le cortège. "S'il nous dit de sacrifier nos vies, nous le ferons".
"Nous resterons là-bas jusqu'à ce qu'Imran Khan soit libéré", renchérit Raïs Khan, 36 ans.
Le chef du gouvernement du Khyber-Pakhtunkhwa, Ali Amin Gandapur, ne cesse pour sa part de narguer les autorités: "vous pouvez nous tirer dessus, nous bombarder et bloquer les routes avec vos containers. Si ça dégénère, vous serez responsables".
M. Khan, au pouvoir de 2018 à 2022, est actuellement poursuivi dans une centaine d'affaires concernant des manifestations violentes de ses partisans.
En juillet, un panel d'experts de l'ONU avait réclamé sa libération, jugeant sa détention "arbitraire".
E.Schmitt--MP