L’Indonésie interdit les transactions sur les réseaux sociaux pour protéger son commerce local
Coup d'arrêt: l'Indonésie interdit désormais les transactions de marchandises sur les réseaux sociaux, une nouvelle réglementation visant à freiner les ventes sur les plateformes qui, selon Jakarta, nuisent à des millions de petites entreprises locales.
"Cette réglementation est en vigueur depuis hier (mardi, ndlr)", a annoncé mercredi le ministre indonésien du Commerce, Zulkifli Hasan, précisant que les plateformes ont une semaine pour s'y soumettre.
En vertu de ce nouveau texte, les plateformes ne pourront plus offrir la possibilité d'effectuer des transactions directes mais devront se contenter de faire la promotion de produits.
La réglementation, qui est un amendement à un ensemble de textes sur le commerce adoptés en 2020, n'avait pas besoin de l'approbation du Parlement pour entrer en vigueur.
Des responsables indonésiens appelaient depuis quelques semaines à séparer les activités de média social et de commerce en ligne, estimant que les grosses plateformes comme TikTok, très utilisée en Indonésie, menaçaient les petites entreprises locales.
"Tout gouvernement protégerait son commerce local", a insisté le ministre, indiquant que cette réglementation avait été adoptée pour garantir "l’égalité dans la concurrence commerciale".
L’adoption de cette réglementation constitue un nouveau revers pour l'application vidéo TikTok, développée par le géant chinois de la tech ByteDance, qui a fait l'objet d'un examen minutieux aux États-Unis et dans d'autres pays ces derniers mois en raison de la sécurité des données des utilisateurs et des liens présumés de l'entreprise avec Pékin.
- 125 millions d'utilisateurs -
L'Indonésie représente un enjeu majeur pour le géant chinois, en étant son deuxième marché avec 125 millions d'utilisateurs, selon l'entreprise. L'archipel est aussi l'un des plus gros marchés pour son activité TikTok Shop et a été le premier à piloter la branche e-commerce de l'application.
Mais la première économie d'Asie du Sud-Est est aussi désormais le premier pays à prendre des mesures pour limiter son activité de commerce.
Sollicités par l'AFP mercredi, ni ByteDance, la maison mère de TikTok ni la branche indonésienne de TikTok n'ont réagi dans l'immédiat.
Lundi, après l'annonce de ce nouveau cadre réglementaire par le président indonésien Joko Widodo, une porte-parole de TikTok Indonésie avait estimé que l'interdiction de ces transactions allait porter préjudice à pas moins de 6 millions de vendeurs locaux qui écoulent leurs produit via la plateforme.
Meta, propriétaire de Facebook et Instagram, n'a pas non plus réagi.
Si les modalités de la mise en application de la nouvelle réglementation ne sont pas encore claires, il se pourrait que les plateformes de réseaux sociaux doivent obtenir une licence distincte pour exploiter leur activité de commerce en ligne, selon des experts.
"Cela pourrait conduire à réorganiser leur licence", explique Tauhid Ahmad, directeur exécutif de l'Institut pour le développement de l'économie et des finances, basé à Jakarta, pour qui ces entreprises devraient avoir à choisir entre plusieurs licences.
Sur le marché historique de Tanah Abang, en plein coeur de Jakarta, plus grand marché au textile d'Asie du Sud-Est, les nouvelles mesures ont été accueillies avec satisfaction.
"Le gouvernement se devait d'innover face à cette situation", a ainsi réagi Stevanie Ahua, vendeuse de jeans de 60 ans, qui a vu son chiffre d'affaires reculer de 60% en quelques mois en raison de la concurrence de la vente en ligne.
La vente en ligne en Indonésie est dominée par des plateformes comme Tokopedia, Shopee ou Lazada mais TikTok Shop a pris des parts de marché considérables depuis son lancement en 2021.
En juin dernier, en visite à Jakarta, le PDG de la maison mère ByteDance, Shou Zi Chew, avait annoncé que le groupe investirait au cours des prochaines années "des milliards de dollars" en Asie du Sud-Est, où TikTok compte au total 325 millions d'utilisateurs.
D.Johannsen--MP