Royaume-Uni: Thames Water, en difficulté, devra se contenter de hausses de prix diluées
Le gendarme britannique de l'eau a douché jeudi les attentes du plus grand distributeur du Royaume-Uni, Thames Water, dont la situation financière catastrophique fait craindre un sauvetage par l'Etat et qui devra se contenter de hausses de prix bien plus modestes qu'espéré pour redresser la barre.
Le régulateur de l'eau (Ofwat) lui a autorisé une hausse des factures moyennes de 35% d'ici 2030, à 588 livres (714 euros), très loin des 59% d'augmentation réclamés par l'entreprise pour investir massivement et moderniser ses vieilles infrastructures.
En outre, l'Ofwat lui a infligé jeudi une amende de 18 millions de livres (22 millions d'euros) pour avoir versé "des dividendes injustifiés" en dépit de piètres performances.
"C'est un avertissement clair adressé à l’ensemble du secteur: nous prendrons des mesures contre les entreprises qui font sortir de l'argent lorsque les performances ne le méritent pas", a prévenu dans un communiqué le directeur général du régulateur David Black.
La hausse de prix accordé à Thames Water est en ligne avec l'augmentation moyenne annoncée jeudi pour l’ensemble des sociétés d'eau et d'assainissement du pays (+36%) qui, espère l'Ofwat, permettra un investissement global de 104 milliards de livres (126 milliards d'euros) dans le pays d'ici 2030 "pour accélérer" le nettoyage de la mer et des rivières.
Les compagnies des eaux britanniques, privatisées depuis 1989, sont sous le feu des critiques depuis plusieurs années pour le déversement de quantités importantes d'eaux usées dans les cours d'eau et en mer, en raison de sous-investissements dans un système d'égouts qui date largement de l'époque victorienne.
- Montagne de dettes -
Thames Water, contacté par l'AFP, n'avait pas réagi dans l'immédiat jeudi matin. Mais l'entreprise avait jugé en août que les hausses de prix demandées n'étaient pas excessives et ne feraient que "compenser des années de factures basses".
La décision de l'Ofwat est susceptible d'appel.
Croulant sous une montagne de dettes - près de 16 milliards de livres (19 milliards d'euros) accumulées depuis sa privatisation - la compagnie des eaux de la région de Londres a prévenu mardi que faute de financement, elle serait à court de liquidités dès le mois de mars prochain.
Elle espère parallèlement faire approuver par la justice début février un endettement supplémentaire de 3 milliards de livres (3,6 milliards d'euros), qui lui donnerait un peu d'air... mais alourdirait un peu plus son ardoise.
Une telle solution ne serait de toute façon que temporaire. Le juge William Trower, en charge du dossier, l'a qualifiée de "financement relais en attendant une restructuration plus substantielle" lors d'une audience à Londres mardi.
L'entreprise, aujourd'hui détenue par un consortium d'actionnaires, au premier rang desquels un fonds de pension canadien et un autre britannique, espère faire l'objet d'offres de rachat dans les semaines qui viennent.
Le fonds d'investissement Covalis Capital a par exemple déjà mis sur la table une offre indicative à environ 1 milliard de livres, en partenariat avec le géant français de l'eau Suez dans un rôle de conseil.
Mais les investisseurs potentiels attendaient la décision de l'Ofwat jeudi, décisive pour le financement de l'entreprise dans les années qui viennent, avant de se décider.
- Bon rapport qualité-prix -
L'Ofwat estime avoir trouvé le bon équilibre, avec une hausse des factures ni trop importante pour les consommateurs, ni trop faible - ce qui serait de nature à décourager de potentiels investisseurs privés - selon son patron David Black.
L'enjeu est de taille, car si Thames Water, entreprise aux 16 millions de clients, ne parvient pas à trouver les financements dont elle a besoin, elle appellera l'Etat à la rescousse.
A la clé, un sauvetage public potentiellement ruineux, qui constituerait une épine dans le pied du gouvernement travailliste et plomberait des finances publiques déjà serrées.
Les actionnaires successifs de l'entreprise sont régulièrement accusés d'avoir utilisé l'endettement pour se verser de généreux dividendes, au détriment des investissements nécessaires. La grogne a encore été attisée au début du mois par la décision de l'entreprise d'augmenter les primes à ses dirigeants.
"Les citoyens ont raison d'être en colère", a réagi jeudi le ministre travailliste de l'Environnement Steve Reed, assurant que le gouvernement s'assurera que "l'argent destiné à l’investissement ne puisse jamais être détourné vers des bonus ou des versements aux actionnaires".
H.Klein--MP