En Haute-Garonne, une liste portée par une figure de la colère paysanne convoite la chambre d'agriculture
En Haute-Garonne, où le revenu agricole est parmi les plus bas de France, une liste indépendante s'est lancée à l'assaut de la chambre d'agriculture pour faire "bouger les lignes". Jérôme Bayle, figure de la colère paysanne, en est le porte-drapeau.
Dans la salle des fêtes de Garac, village à 25 km de Toulouse sur une colline face aux Pyrénées, les Ultras de l'A-64, du nom de l'autoroute Toulouse-Bayonne bloquée plusieurs semaines en janvier/février 2024, tiennent une réunion publique, face à une dizaine de céréaliers.
"C'était pas prévu, on se présente à la chambre car on nous l'a demandé, on a envie d'agir et de faire bouger les lignes", lance à l'auditoire, Jérôme Bayle, 43 ans, casquette à l'envers, barbe bien taillée, précédé d'une réputation de "grande gueule" et de porte-voix de la détresse des agriculteurs.
Un an après le barrage sur l'autoroute, devenu quelques semaines durant un forum de discussion entre agriculteurs de toutes tendances, Jérôme Bayle lance la deuxième phase de son action.
L'éleveur occitan ne figure pas sur la liste "Unis pour notre avenir", conduite par Christian Déqué, mais il est à la baguette.
- Retenues collinaires -
Le programme de la liste qui se proclame "apolitique" et "asyndicale" ? "Rapprocher la chambre du terrain. Et lancer des initiatives, par exemple une filière viande dans le département pour alimenter les cantines. Anticiper les évolutions du changement climatique, créer des retenues collinaires, ça peut sauver des exploitations, il faut en parler avec les écologistes", énumère l'éleveur bovin de Montesquieu-Volvestre.
Dans ce département, qui s'étend des Pyrénées au vignoble de Fronton, au nord de Toulouse, les éleveurs ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique (MHE), les céréaliers de la plaine de la Garonne craignent pour l'accès à l'eau, l'étalement urbain de Toulouse ronge les terres agricoles et les 4.800 agriculteurs se plaignent de l'agri-bashing.
La nouvelle liste promeut la création d'un Fonds agricole d'investissement départemental "pour canaliser l'épargne, proposer un placement qui a du sens" par le biais d'obligations que pourrait racheter le porteur du projet, détaille Christian Déqué, éleveur et tête de liste.
"Lui, c'est le capitaine de l'équipe", dit Jérôme Bayle, amateur de rugby et ancien 3e ligne centre de plusieurs clubs amateurs de la région.
- "Idées d'en-bas" -
"Des idées qui viennent d'en-bas, des projets de bon sens, plutôt que de se faire imposer des règles qui tombent d'en haut", poursuit Christian Déqué.
Un des agriculteurs présents, Pascal Begué, 49 ans, anciennement syndiqué à la FNSEA, premier syndicat national, sort de la salle des fêtes avec l'intention de participer au scrutin, qui se déroule jusqu'au 31 janvier dans tous les départements de France. "Je ne pensais pas voter, mais je vais voter".
"La CR (Coordination rurale), ils sont trop virulents. Ce que je ressens, c'est qu'il (Bayle) a contribué à installer une perception positive des agriculteurs en France", estime le paysan déçu des syndicats "traditionnels".
Jérôme Bayle "est très fédérateur. Et puis, il a un accès direct jusqu'en haut. On l'entend plus que (Arnaud) Rousseau", président de la FNSEA, embraye un autre participant, en référence aux cabinets ministériels.
A l'élection à la chambre d'agriculture de Haute-Garonne, la seule actuellement dirigée par les Jeunes agriculteurs (JA), la liste indépendante fait face à celles des syndicats CR, Confédération Paysanne et FDSEA-JA.
La présidente de la FDSEA Laure Serres ironise sur "la liste de Jérôme Bayle" lui prêtant une proximité avec l'ancien Premier ministre Gabriel Attal.
"Qu'il ne vienne pas nous dire qu'il est apolitique. Il renie le syndicalisme, mais il était encore adhérent chez nous il y a un an. Nous, on veut faire avancer les dossiers, on n'est pas dans un positionnement médiatique".
Laure Serres, présente sur la liste FDSEA/JA, revendique plutôt le "professionnalisme", "l'expérience" et le réseau du premier syndicat de France.
Les résultats du scrutin sont attendus début février.
J.Becker--MP