

Attaque jihadiste au Mozambique en 2021: information judiciaire ouverte contre TotalEnergies pour homicide involontaire
Nouveau développement dans le dossier de l'attaque jihadiste de Palma, au Mozambique, en 2021: une information judiciaire a été ouverte vendredi pour homicide involontaire contre le géant français des hydrocarbures TotalEnergies, déjà visé par plusieurs procédures, dont certaines ont été classées.
Révélée par Franceinfo, cette enquête sous l'égide d'un ou plusieurs juges d'instruction, qui vise également des faits de non-assistance à personne en danger, fait suite à une plainte déposée à l'automne 2023 par des survivants ou familles de victimes de cette sanglante attaque.
Ils accusent la compagnie de négligences dans le cadre de son mégaprojet gazier Mozambique LNG. Le 24 mars 2021, une attaque jihadiste qui avait duré plusieurs jours avait fait un nombre indéterminé à ce jour de victimes parmi la population locale et les sous-traitants.
Les plaignants, trois survivants et quatre proches, de nationalités sud-africaine et britannique, accusent le groupe (ex-Total) de ne pas avoir assuré la sécurité de ses sous-traitants.
"L'ouverture de cette information judiciaire est une étape décisive pour les victimes du massacre de Palma au Mozambique", ont réagi pour l'AFP Mes Vincent Brengarth et Henri Thulliez, qui défendent les plaignants.
Ces derniers "ont hâte d'être entendus dans une affaire emblématique de la prévalence de considérations économiques sur des vies humaines", ajoutent les avocats.
"TotalEnergies apportera sa coopération à cette enquête", a réagi l'entreprise dans un communiqué samedi.
L'entreprise "rejette fermement les accusations et rappelle l'aide d'urgence que les équipes de Mozambique LNG ont apportée et les moyens qu'elles ont mobilisés afin de permettre l'évacuation de plus de 2.500 personnes (civils, personnel, contractants et sous-traitants) du site d'Afungi", où est situé le chantier du projet de gaz liquéfié.
Pour cette attaque, Maputo n'a fourni qu'un bilan d'une trentaine de victimes, mais selon un journaliste indépendant, Alexander Perry, le bilan s'élève à 1.402 civils décédés ou disparus, dont 55 sous-traitants. Plusieurs d'entre eux s'étaient réfugiés dans un hôtel à la sortie de la ville, qui fut assiégée par les jihadistes.
Après les faits, TotalEnergies avait stoppé son projet gazier et décrété la force majeure, qui permet à un signataire de contrat de se libérer de ses obligations en cas d'événement imprévisible et insurmontable.
- Prêt approuvé -
Jeudi, l'agence américaine de crédit à l'exportation a approuvé un prêt de 4,7 milliards de dollars à TotalEnergies pour Mozambique LNG.
Le démarrage de la production est désormais envisagé en 2029 ou 2030 au lieu de 2028.
Plusieurs ONG, parmi lesquelles Reclaim Finance et les Amis de la Terre, ont appelé vendredi "les autres financeurs (...), dont les banques françaises Crédit Agricole et Société Générale, à refuser de suivre cet exemple toxique et irresponsable et à s'opposer au redémarrage du projet, une bombe climatique associée à de nombreuses allégations de violations des droits humains".
Quatrième major mondiale pétro-gazière, TotalEnergies consacre deux tiers de ses investissements aux énergies fossiles tout en se diversifiant dans l'électricité décarbonée à partir d'éolien et de solaire, des efforts jugés insuffisants par les défenseurs du climat.
Le géant des hydrocarbures est visé par plusieurs procédures judiciaires lancées par des ONG sur des sujets climatiques, environnementaux et sociaux, dont certaines ont été rejetées.
Le 20 février, la justice a classé sans suite une plainte visant l'entreprise, que trois ONG et huit personnes accusaient d'homicides involontaires et d'atteintes à la biodiversité en raison de l'activité du groupe dans les énergies fossiles responsables du réchauffement climatique.
En octobre 2023, une autre plainte portée par deux ONG reprochant à TotalEnergies d'avoir continué à exploiter un gisement en Russie après le début de la guerre en Ukraine avait été déclarée irrecevable pour des raisons de procédure.
Les activités du groupe en Ouganda et en Tanzanie font l'objet, à Nanterre, d'une plainte avec constitution de partie civile par quatre ONG qui les qualifient de "climaticide".
Au Yémen, le groupe est accusé de polluer les terres et les eaux d'une région désertique de l'Hadramaout. Une cinquantaine de Yéménites ont assigné l'entreprise en référé devant le tribunal judiciaire de Nanterre pour ces faits en janvier 2024.
Le parquet enquête aussi depuis 2021 sur d'éventuelles "pratiques commerciales trompeuses" en lien avec la stratégie climatique de neutralité carbone du groupe.
T.Murphy--MP