

Au Sénégal, le lac Rose retrouve sa couleur mythique et ses touristes ravis
Sous l'oeil ravi de touristes et commerçants, le lac le plus célèbre du Sénégal a récemment retrouvé sa couleur rose emblématique, ternie depuis trois longues années. La nouvelle du retour de sa coloration suscite l'enthousiasme et un regain de vie socio-économique autour de l'une des principales attractions de ce pays touristique.
Alertée par les réseaux sociaux, Julie Barrilliot, touriste française de 20 ans, a décidé de prendre rapidement un billet d'avion pour ce pays ouest-africain, avec pour objectif de voir la couleur retrouvée du lac Retba dit "lac Rose".
Cette célèbre étendue d'eau bordée de filaos, à une heure de route de la capitale Dakar, attire depuis des décennies de nombreux touristes locaux et étrangers.
Mais fin 2022, de rares et fortes inondations avaient frappé la région, probablement aggravées par le réchauffement climatique selon des scientifiques interrogés par l'AFP à l'époque, et perturbant l'équilibre écologique du lac.
Le lac Retba avait depuis perdu sa teinte, plombant les activités commerciales et les milliers de personnes qui en dépendent (producteurs de sel, commerçants, hôteliers etc...).
- Sensation -
"En 2023, nous avons constaté que nos activités tournaient au ralenti et nous avons entrepris de louer une pompe pour extraire l'excédent d'eau du lac qui avait englouti tout l'écosystème favorable à sa teinte rose; sa profondeur était passée de 2 à 6 mètres", explique à l'AFP Amadou Bocoum Diouf, directeur de l'hôtel "Chez Salim" et président du syndicat regroupant commerçants et hôteliers du lac Rose.
Il ajoute que l'opération de pompage leur a coûté plusieurs millions de francs CFA (plusieurs milliers d'euros) avant que l'État ne prenne le relais. Cette manoeuvre a contribué au retour du rose qui, de nouveau, fait accourir les touristes.
"Mais il n'est pas tout à fait rose ?", s'étonne Julie, qui se console d'une balade à cheval près de l'hôtel "Gîte du lac" où elle séjourne.
Ce jour-là en début de matinée, Ibrahima Mbaye, gérant de cet hôtel et président d'une association de protection du lac, se veut rassurant, assurant que d'ici une heure ou deux, la couleur sera au rendez-vous.
"Pour qu'il y ait du rose, il faut un soleil chaud et un vent frais", indique-t-il, téléphone collé à l'oreille. L'hôtelier est submergé d'appels de tours opérateurs et de touristes étrangers qui veulent s'assurer que le lac a bel et bien repris de la couleur.
Et effectivement, à presque midi, les reflets de l'eau scintillent d'une belle couleur rose.
"Lorsque toutes les conditions naturelles sont réunies, le sel du lac, provenant de l'eau de mer, a une forte teneur. Et au contact du soleil, cette concentration de sel produit une évaporation importante, propice à la prolifération de micro-organismes, notamment ceux appelés +Algue rose+", décrit M. Mbaye.
- "Capricieux" -
Cheikh Mbow, responsable du Comité national de suivi écologique, une structure d'Etat, explique à l'AFP qu'il s'agit de cyanobactéries dont le pigment rouge, dilué dans l'eau du lac, lui donne une teinte rose.
Le soleil est au zénith et le vent souffle fort lorsqu'un bus dépose une vingtaine de touristes du côté le plus rosé de l'eau. On peut lire dans le regard d'Ibrahima Mbaye sa joie et sa fierté que le lac qui l'a vu naître - et qui fut autrefois le terminus du rallye automobile Paris-Dakar - fasse à nouveau sensation.
Devant lui, Mouadou Ndiaye, un vendeur de sacs et sachets de sel, passe au pas de course pour rattraper la vingtaine de touristes français qui s'apprêtent à repartir.
"Ça fait plus de deux ans qu'on n'a presque plus eu de touristes", confie, essoufflé, ce commerçant de 60 ans, pieds nus dans le sol sablonneux mêlé aux débris de coquillages. Il fait partie des persévérants qui sont restés malgré la morosité des affaires.
"Nombreux sont partis dans les villes et villages environnants" à la recherche de meilleures opportunités, confie ainsi Maguette Ndiour, président des exploitants de sel du lac Rose. Il ne cache pas sa joie de constater une reprise de la récolte du sel et espère aussi que la couleur rose du lac perdure.
Nombre d'habitants de la zone disent craindre que l'urbanisation intensive ne favorise la pollution des eaux du lac et n'obstruent leur écoulement.
Non loin de là, une quinzaine d'hommes, bandeaux rouges autour de la tête, manifestent ainsi ce jour-là contre la construction prévue de 1.000 logements sociaux près du lac.
M. Mbow, du comité de suivi écologique, prévient que même une pollution minime peut compromettre la survie des cyanobactéries. "Il est essentiel de réduire les impacts négatifs des activités humaines", souligne-t-il.
En fin d'après-midi, le soleil a décliné et le lac n'est plus si rose. Ibrahima reste philosophe: "des fois, il est capricieux, mais il est toujours beau !", lance-t-il tout sourire.
A.Kenny--MP