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En Bretagne, la vanille fleurit dans d'anciennes serres à tomates
En Bretagne, la vanille fleurit dans d'anciennes serres à tomates / Photo: Damien MEYER - AFP

En Bretagne, la vanille fleurit dans d'anciennes serres à tomates

La vanille deviendra-t-elle un jour un produit typiquement breton, au même titre que la galette-saucisse ou le beurre salé? Trois producteurs des Côtes-d'Armor ont en tout cas déjà commencé à récolter et commercialiser les précieuses gousses.

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Ce pari débute en 2019. Comme chaque année, les maraîchers de l'association de coopératives Prince de Bretagne sont rassemblés par Florian Josselin, responsable de l'innovation, pour faire un état des lieux des recherches sur l'acclimatation de diverses cultures. Au menu cette fois, le safran, le chou kale et la fameuse vanille de l'île de la Réunion.

Trois maraîchers sont immédiatement séduits par l'idée de pouvoir cultiver cette liane tropicale dans leurs serres à tomates vieillissantes.

Comme "il faut quatre ans avant d'obtenir les premières gousses commercialisables", ils décident de se lancer dans l'aventure par leurs propres moyens, sans attendre le résultat des premiers essais de la station expérimentale de Pleumeur-Gautier (Côtes-d'Armor), explique l'un d'eux, Pierre Guyomar.

Les premiers plants viables de Vanilla planifolia arrivent de la Réunion l'année suivante. "Pendant trois ans, il a fallu bouturer et rebouturer pour développer de belles touffes" de cette plante de la famille des orchidées, fragile et qui déteste les excès de température ou de lumière, souligne Pierre Guyomar.

Les maraîchers bretons procèdent empiriquement, en s'appuyant sur leur expertise de la production de légumes sous serres.

Pour acclimater la liane, qui pousse presque sans effort dans les sous-bois de l'océan Indien, ils ont aussi bénéficié du micro-climat exceptionnellement tempéré de cette bande côtière, qui ne connaît "ni gel ni canicule", relève Florian Josselin.

- Échanges de bons procédés -

Une fois les lianes bien développées, les maraîchers n'avaient plus qu'à déclencher la floraison en abaissant la température de la serre de quelques degrés et en taillant pour générer un stress.

Comme à la Réunion ou Madagascar, il leur faut ensuite polliniser chaque fleur à la main, une par une à l'aide d'un cure-dents. Une opération baptisée "mariage", indispensable pour que se développent les gousses de vanille, fruit de la plante.

Difficulté supplémentaire, les "marieurs" doivent être mobilisés sept jours sur sept pendant la période de floraison car la fleur de vanillier n'est ouverte que le matin et sera tombée dès le lendemain si elle n'a pas été pollinisée.

Les gousses qui se formeront doivent rester au minimum neuf mois sur la liane pour que leur concentration en vanilline, la molécule qui donne à la vanille son arôme unique, soit parfaite.

Atout des maraîchers bretons sur leurs collègues d'outre-mer: dans leurs serres bien tempérées, ils n'ont à craindre ni champignon ni insecte ravageur ni vol. "On va donc pouvoir cueillir les gousses à un stade de maturité optimal", gage de qualité, lance M. Guyomar.

Les gousses vertes une fois récoltées, reste à les transformer en vanille commercialisable. Un processus délicat d'ébouillantement, de séchage et d'affinage pour lequel les producteurs bretons ont bénéficié des conseils de collègues de la Réunion.

En retour, les maraîchers aident depuis 2022 des vanilliculteurs réunionnais, confrontés à une chute drastique de la production en raison du changement climatique, à installer des serres et des ombrières permettant de mieux réguler les conditions de chaleur et d'humidité.

"C'est du gagnant-gagnant", se réjouit M. Guyomar.

Les premières gousses costarmoricaines ont été commercialisées fin 2024 et les maraîchers espèrent que leur vanille, censée produire pendant sept ans, s'avèrera rentable.

"Mais il y a encore énormément de choses à apprendre", estime Pierre Guyomar.

"Moi j'ai trop fécondé il y a deux ans, j'ai perdu la moitié de ma culture", témoigne son collègue Hervé Gorieu, maraîcher à Paimpol. "Pour la relancer, je n'ai fait aucune floraison cette année afin qu'elle se renforce", explique-t-il.

D'où l'importance des essais en cours à la station de Pleumeur-Gautier pour déterminer le nombre optimal de fleurs à féconder sur un plant, souligne Florian Josselin.

Des expérimentations similaires ont déjà permis à cinq producteurs bretons de commercialiser des agrumes (citron caviar, yuzu, kumquat) et "on travaille sur le fruit de la passion, une autre liane qui s'adapte très bien dans les vieilles serres également, sans chauffage", ajoute l'expert.

F.Hartmann--MP