Michel Barnier au défi de la censure, avant celui du budget
Après Élisabeth Borne et Gabriel Attal, au tour de Michel Barnier : le Premier ministre affronte mardi une première motion de censure, déposée par la gauche pour protester contre la "négation du résultat" des législatives, mais vouée à l'échec en l'absence de soutien du RN.
C'est Olivier Faure qui montera à la tribune, a priori autour de 16H30, pour défendre le texte co-signé par la quasi-intégralité de l'alliance de gauche du Nouveau Front populaire.
"Ce sera le moment de vérité. On verra qui s'oppose au gouvernement et qui ne s'oppose pas", déclare à l'AFP le premier secrétaire du PS, qui compte pointer dans son discours un "gouvernement tournant le dos au Front populaire mais surtout au Front républicain, et au vote des électeurs".
Michel Barnier lui répondra, puis viendra une longue série d'interventions des groupes politiques, avant un vote dont le résultat devrait n'être connu qu'en fin de journée.
La chorégraphie est toujours empreinte de solennité, mais elle s'est aussi banalisée depuis 2022. Il s'agira, selon le décompte de l'Assemblée nationale, de la 35e motion de censure du second quinquennat d'Emmanuel Macron.
Michel Barnier devrait y survivre sans trop de difficultés. Même si les 192 députés signataires votaient pour, avec certains indépendants de Liot, la barre des 289 voix semble inatteignable sans celles des 141 députés de l'alliance RN-Ciotti.
Car les cadres d'extrême droite, Marine Le Pen en tête, n'ont pas l'intention de renverser le gouvernement à ce stade, se satisfaisant d'avoir le couperet dans la main pour peser sur les choix de l'exécutif.
"On a choisi de ne pas verser dans le chaos, de ne pas censurer immédiatement Michel Barnier pour lui donner la possibilité de développer un projet (...) si ça ne nous convient pas on censurera", a fait valoir lundi sur RMC le président-délégué du groupe Sébastien Chenu.
"Je n'attends rien du RN, la mainmise sur le gouvernement leur est trop confortable, mais c'est aussi une occasion pour les macronistes de dire s'ils acceptent ou non cette configuration", estime de son côté le député Benjamin Lucas (Écologiste et Social).
- Le budget dans le viseur -
C'est l'une des questions du scrutin : des membres ou ex-membres du camp présidentiel, heurtés par la composition très à droite du gouvernement, iront-ils jusqu'à le censurer ?
Toujours inquiet de certaines pistes, comme la réduction du nombre de fonctionnaires, le député MoDem Erwan Balanant n'imagine "personne à ce stade aller vers une motion de censure".
"En l'état je ne la voterai pas car le Premier ministre n'a à ce jour pris aucune disposition qui pourrait heurter mes convictions", explique Marie-Pierre Rixain, députée macroniste particulièrement engagée sur les sujets d'égalité femmes-hommes.
Stella Dupont, qui a quitté le groupe macroniste sur fond de désaccord avec la composition du gouvernement, et notamment l'arrivée de Bruno Retailleau à l'Intérieur, ne censurera pas non plus à ce stade.
Elle attend toutefois de pied ferme la présentation jeudi des budgets de l'Etat et de la Sécu pour 2025 qui vont "concrétiser la feuille de route", après une déclaration de politique générale de Michel Barnier qui "n'a pas réellement défini de ligne politique".
Le Premier ministre, lui, est bien conscient de marcher sur une corde raide : "je sais que je suis dans la main du Parlement", a-t-il souligné dans La Tribune Dimanche.
Il viendra par ailleurs mardi matin devant les députés du groupe Ensemble pour la République (EPR, ex-Renaissance), après avoir soufflé le chaud et le froid sur le bilan de son prédécesseur à Matignon Gabriel Attal, devenu président du groupe.
"Il a l'air de changer un peu son braquet, il reconnaît aussi que le bloc central a fait son boulot", note Ludovic Mendes (EPR), qui n'imagine pas des députés EPR censurer avant la fabrique du budget.
Une construction qui mettra l'unité du bloc central au défi, alors que les 60 milliards d'économies annoncées et leur répartition entre augmentation des impôts et baisses des dépenses ne feront jamais l'unanimité.
"La question de la censure ne se posera pas demain mais se elle posera assez rapidement sur le budget", juge Olivier Falorni, classé à l'aile gauche du groupe MoDem.
A.Kenny--MP