A Gaziantep: "Assad, je pourrais l'étrangler de mes mains!"
Motos pétaradantes, voitures fumantes, pétards et avertisseurs bloqués, tout ce qui fait du bruit est dans la rue, drapeaux aux portières ou noués en cape sur le dos. Gaziantep, la plus syrienne des villes turques, triomphe.
Au soir de leur victoire, la chute du président Bachar al-Assad qu'ils n'osaient plus espérer, des flots de piétons remontent dimanche la circulation, jouent aux toréros avec les voitures en riant sous l'oeil enjoué des conducteurs, sourires offerts et téléphones brandis pour immortaliser cette nuit qui n'est pas près de finir.
"Si j'en avais l'occasion, je l'étranglerais de mes propres mains! C'est lui, Assad, qui nous a forcés à l'exil. Mais il a pris la fuite en Russie", rugit Omer Hannas.
Entouré de ses amis, le jeune homme de 19 ans préfère en rire, mais c'est bien à cause du leader déchu qu'il a grandi ici, tout près de sa patrie mais sans pouvoir y mettre les pieds.
A une heure de la frontière, près d'un quart des deux millions d'habitants de Gaziantep sont des réfugiés syriens qui ont fui la guerre - 430.000 en 2023 selon les chiffres officiels.
Du temps de l'empire ottoman, pendant près de 500 ans la ville a été gouvernée depuis Alep, sa capitale provinciale que le tracé des frontières a octroyé à la Syrie à l'indépendance, mais que séparent seulement deux heures de route.
-"sauvés d'Assad!" -
Depuis le matin et comme jamais, ceux d'ici sont pendus au téléphone pour appeller leurs proches et leurs amis restés là-bas et prendre des nouvelles.
"On est tellement heureux: on est sauvé d'Assad! Je voudrais que tous les dictateurs connaissent le même sort", sourit Medjit Zein.
Le quadragénaire compte rentrer à Alep mais prend son temps: "D'ici un mois je pense, le temps que la situation se stabilise", .
Le poste-frontière le plus proche, Kilis, a vu des files de voitures affluer dimanche matin pour traverser vers la Syrie, assure une groupe de jeunes gens venus "humer l'air" d'en face. Mais le flot s'est tari en début d'après-midi, a constaté l'AFP.
Et puis ils ont bâti une vie ici, lancé des entreprises, se sont mariés, ont scolarisé leurs enfants et noué des amitiés sincères.
"D'ici un an on sera partis", parie pourtant Abdel Karim Akhas, jeune père de 28 ans employé dans le bâtiment, dont les deux bambins, des garçons de 2 et 4 ans, sont nés ici.
"Moi j'ai oublié Alep", avoue Ahmed Abou Kadiro, 17 ans. Arrivé ici à l'âge de neuf ans, en 2016 , il peine à se figurer le "paradis" que les autres célèbrent les yeux enfiévrés. "Mais j'ai encore de la famille là-bas que je voudrais voir".
Dans l'exubérance de la fête et des célébrations, personne ne veut douter des nouveaux maîtres de la Syrie.
"Il a de l'électricité, des transports, tout marche mieux que sous Assad" affirme Mustapha Azouz, 18 ans, qui compte rentrer "dans un mois" .
"Alep c'est notre paradis", tranche-t-il. "Il n'y a rien comme elle et rien comme la Syrie. Mais la guerre nous a enfermés et on a fini par partir".
Lamis, la quarantaine et le fichu noué sous le menton, est arrivée de la ville martyre de Hama, théâtre d'un massacre orchestré en 1982 par les forces de Hafez el-Assad le père de Bachar.
Le fils lui, a envoyé son père, son grand-père et sa petite soeur en prison pendant huit ans. "On a souffert de la famille Assad pendant cinquante ans".
"Je veux remercier (le président turc) Erdogan et la Turquie mais tout me manque ici de la Syrie... Tout".
M.Schulz--MP