Une première base militaire française au Tchad a été rétrocédée
La France a rétrocédé jeudi une première base militaire au Tchad, à Faya dans l'extrême nord désertique du pays, a annoncé l'armée tchadienne, moins d'un mois après l'annonce surprise de la suspension par N'Djamena de l'accord militaire avec Paris.
"Les forces françaises ont rétrocédé la base de Faya à l'ANT", l'armée nationale tchadienne, a indiqué le ministère tchadien des Armées sur Facebook, précisant que le personnel et le matériel de la base "regagneront la France dans les prochains jours".
"54 véhicules ont pris la route en convoi à 11h30 en direction de N'Djamena et au même moment, un avion Antonov 124 a décollé de N'Djamena avec plus de 80 tonnes de fret", a détaillé le ministère.
Selon l'état-major français des Armées, "une trentaine de militaires étaient stationnés à Faya" et la rétrocession "sera suivie par celle d'Abéché, puis de N'Djamena dans les semaines qui viennent".
"Nous apportions une aide médicale à la population avec de nombreuses consultations. L'aéroport de Faya servait aussi de point de départ pour les opérations militaires conjointes avec les militaires tchadiens plus au nord du pays", a rappelé à l'AFP un officier haut gradé de l'armée française.
Située à proximité des monts du Tibestin dans le nord du Tchad, la ville de Faya (rebaptisée Largeau pendant la colonisation du nom du colonel Largeau qui s'empara de la ville en 1923) fut, durant la Seconde guerre mondiale, le point de départ en 1941 de la colonne du colonel Leclerc pour aller prendre Koufra avant d'y prononcer son célèbre serment.
Occupée dans les années 1970 puis au début des années 1980 par les Libyens qui soutenaient des rebelles hostiles au pouvoir d'Hissène Habré, la base Faya-Largeau fut reprise en 1987 par les forces tchadiennes avec l'appui français.
Les forces françaises y stationnaient depuis un détachement, impliqué notamment dans le cadre de la mission Barkhane au Sahel.
Le père de l'actuel président Mahamat Idriss Déby, porté au pouvoir par une junte militaire en 2021, avait pu compter à plusieurs reprises sur l'appui de l'armée française pour repousser des offensives rebelles, en 2008 puis en 2019.
- "Accords obsolètes" -
Le retrait français fait suite à la décision du Tchad, annoncée le 28 novembre, de mettre fin à soixante ans de coopération militaire en rompant les accords qui le liaient à la France depuis la fin de la colonisation.
Selon le président Mahamat Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 2021, ces accords étaient "complétement obsolètes", face "aux réalités politiques et géostratégiques de notre temps".
"Ces étapes marquent la fin de notre présence militaire permanente qui ne répondait plus aux attentes et aux intérêts de chacune des parties", a pour sa part souligné l'état-major français, qui assure suivre "le calendrier établi avec le partenaire tchadien".
Des élections législatives, provinciales et locales sont prévues dimanche au Tchad, boycottées par l'opposition.
Vendredi dernier, une première unité de 120 soldats français avait quitté N'Djamena à destination de la France, dix jours après le départ des avions de chasse stationnés par Paris.
Environ un millier de soldats et personnels militaires français étaient stationnés au Tchad avant le début des opérations de retrait, dont une majorité sur le camp Kossei dans la capitale tchadienne.
Des troupes et des avions de combat français ont été stationnés au Tchad quasiment sans discontinuer depuis l'indépendance en 1960, servant à la formation et l'entraînement des militaires tchadiens.
L'ex-puissance coloniale a compté jusqu'à plus de 5.000 militaires au Sahel dans le cadre de l'opération antijihadiste Barkhane, stopée fin novembre 2022.
Entre 2022 et 2023, quatre anciennes colonies françaises, le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ont enjoint Paris à retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement implantée.
Maillon clé de sa présence militaire en Afrique, le Tchad, pays désertique, constituait le dernier point d'ancrage de Paris au Sahel, et la décision de N'Djamena de dénoncer fin novembre l'accord de défense avec son vieil allié a pris Paris de court.
Fin novembre, le Sénégal a également signifié sa volonté d'infléchir sa coopération militaire avec la France, qui cherche à renforcer ses liens diplomatiques avec des pays d'Afrique anglophones comme le Nigeria ou le Ghana.
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A.Gmeiner--MP