Le Dr Abou Safiya, visage d'un système de santé en ruines à Gaza
Détenu par Israël qui dit le suspecter d'appartenir au mouvement palestinien Hamas, le Dr Hossam Abou Safiya, directeur d'un hôpital de Gaza pris d'assaut, est devenu le visage d'un système de santé en ruines dans le territoire ravagé par la guerre.
Pendant des semaines, alors que les raids israéliens s'intensifiaient autour de son établissement à Beit Lahia dans le nord de la bande de Gaza, le Dr Abou Safiya avait désespérément prié la communauté internationale d'intervenir "avant qu'il ne soit trop tard".
Ses appels à l'aide, relayés sur les réseaux sociaux et dans les médias, n'ont pas suffi.
Comme il le craignait, l'armée israélienne a lancé vendredi matin une opération d'envergure contre l'hôpital Kamal Adwan, qui servait selon elle de centre de commandement aux combattants islamistes du Hamas.
Ce dernier grand hôpital encore opérationnel dans le nord du territoire dévasté et assiégé, où la situation sanitaire est critique après plus d'un an de guerre, a été mis hors service.
Les soldats ont interpellé plus de 240 individus durant leur offensive. Parmi eux: le Dr Abou Safiya, qu'ils pensent être un militant du Hamas, mouvement responsable d'une attaque sans précédent contre Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza.
- "Brutalités" -
Le médecin de 51 ans, pédiatre de formation, n'a plus donné de signes de vie depuis. Et l'armée israélienne, contactée par l'AFP, n'a pas précisé où il se trouvait.
Sa famille croit le savoir détenu sur la base militaire de Sde Teiman, située dans le désert du Neguev, dans le sud d'Israël, à proximité de Gaza.
"Ce camp de détention est réputé pour les brutalités qu'y subissent les prisonniers", s'est inquiété lundi soir dans un message vidéo son fils Idris Abou Safiya.
"Nous avons reçu des témoignages de prisonniers libérés disant qu'il avait fait l'objet d'humiliations et d'abus. Il a notamment été forcé de se déshabiller et utilisé comme un bouclier humain", a-t-il ajouté.
Ce à quoi n'a pas non plus répondu l'armée.
La mise à l'arrêt de l'hôpital Kamal Adwan et l'arrestation de son directeur et de plusieurs autres membres du personnel médical portent un nouveau coup à des services sanitaires déjà exsangues dans la bande de Gaza.
- "Héros en blouse blanche" -
"Rien ne justifie ces arrestations si ce n'est l'ambition de détruire le système de santé", dénonce auprès de l'AFP Mahmoud Bassal, porte-parole de la Défense civile gazaouie, pour qui "la situation est catastrophique et tragique".
Les proches du Dr Abou Safiya ont appelé la communauté internationale à faire pression sur Israël afin qu'il soit relâché au plus vite.
Leur message a été entendu.
L'Organisation mondiale de la santé, par la voix de son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus, a demandé la "libération immédiate" du directeur.
Amnesty International en a fait de même, comme de nombreux professionnels de santé du monde entier sur les réseaux sociaux derrière le hashtag #FreeDrHussamAbuSafiya.
Le Dr Abou Safiya est présenté comme un "héros en blouse blanche" pour avoir continué à faire son travail alors que l'armée israélienne a intensifié son offensive terrestre et aérienne dans le nord de Gaza début octobre afin d'empêcher selon elle les combattants du Hamas de se regrouper.
D'après l'ONG américaine qui l'emploie, MedGlobal, le médecin a perdu fin octobre l'un de ses fils, Ibrahim, âgé d'une quinzaine d'années, dans une attaque israélienne.
Il a lui-même été blessé à une jambe par des éclats en novembre, mais affirmait alors dans une vidéo filmée sur son lit d'hôpital que cela ne l'arrêterait pas d'accomplir sa mission, "quel qu'en soit le prix".
M.P.Huber--MP