Les chefs de la diplomatie française et allemande plaident pour une transition pacifique à Damas
Les chefs de la diplomatie française et allemande ont plaidé pour une transition pacifique et inclusive en Syrie où ils ont rencontré vendredi le nouveau dirigeant islamiste.
La réunion était la première à ce niveau entre des responsables des grandes puissances occidentales et Ahmad al-Chareh, qui a pris le pouvoir le 8 décembre, après la fuite du président Bachar al-Assad.
Jean-Noël Barrot et Annalena Baerbock, dont la visite intervient sous mandat de l'Union européenne, se sont réunis avec le dirigeant de facto de la Syrie à l'imposant palais présidentiel surplombant Damas, là même où Assad recevait ses hôtes.
Les premiers pas d'Ahmad al-Chareh, chef du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) qui conduisait la coalition ayant marché sur Damas, sont scrutés avec attention.
La France et l'Allemagne veulent "favoriser une transition pacifique et exigeante au service des Syriens et pour la stabilité régionale", a affirmé Jean-Noël Barrot sur X.
"C'est avec cette main tendue, mais aussi avec des attentes claires à l'égard des nouveaux dirigeants, que nous nous rendons aujourd'hui à Damas", a-t-elle ajouté.
"Nous voulons les soutenir dans ce domaine: dans un transfert de pouvoir inclusif et pacifique, dans la réconciliation de la société, dans la reconstruction", a encore dit la ministre, poursuivant que "nous continuerons à juger HTS sur ses actes", "en dépit de notre scepticisme".
- "Espoir fragile" -
Face au défi d'unifier le pays, Ahmad al-Chareh s'est engagé à dissoudre les factions armées, notamment le groupe HTS.
Il a annoncé son intention de convoquer un dialogue national, sans en préciser la date ni qui y serait convié, et indiqué que l'organisation d'élections pourrait prendre quatre ans.
Le chef de la diplomatie française, qui a rencontré les représentants religieux de la communauté chrétienne, des figures de la société civile et s'est entretenu avec le chef militaire des Kurdes, s'est fait l'écho de leurs inquiétudes depuis l'arrivée des islamistes au pouvoir.
"Une solution politique doit être trouvée avec les alliés de la France que sont les Kurdes pour qu'ils soient pleinement intégrés dans ce processus politique qui s'engage aujourd'hui", a-t-il dit.
A la veille de sa visite, Jean-Noël Barrot a eu un entretien avec le chef des Forces Démocratiques Syriennes (FDS, dominées par les Kurdes), Mazloum Abdi, qui contrôlent de larges parties du nord-est syrien.
M. Barrot a également annoncé que la France avait proposé l'organisation d'une conférence internationale fin janvier, "associant la Syrie et ses partenaires" pour accompagner la transition politique "dans la bonne direction".
Et il a proposé l'expertise de son pays et celle de l'UE pour aider les Syriens à écrire une nouvelle Constitution.
- Basculement -
Des dirigeants de nombreux pays arabes ou occidentaux se précipitent à Damas depuis la chute de Bachar al-Assad, rompant l'isolement imposé à la Syrie depuis la violente répression du soulèvement populaire en 2011.
Ahmad al-Chareh réclame une levée des sanctions internationales imposées au pouvoir de Bachar al-Assad après la répression dans le sang d'un soulèvement populaire en 2011, qui a déclenché une guerre ayant fait plus d'un demi-million de morts, provoqué l'exil de millions d'habitants et morcelé le pays.
HTS, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé "terroriste" par plusieurs capitales occidentales, notamment Washington.
Le nouveau pouvoir a effectué un clair basculement de la politique de la Syrie, dont les principaux alliés étaient la Russie et l'Iran, se rapprochant notamment de la Turquie et du Qatar et esquissant des ouvertures envers l'Occident.
Au cours de leur visite, le ministre français et son homologue allemande se sont également rendus à la prison de Saydnaya, symbole de la répression de masse du pouvoir de Bachar al-Assad.
Accompagnés de membres des Casques blancs, des secouristes syriens, ils ont visité des cellules et des geôles souterraines où les conditions de détention étaient inhumaines et où de nombreux détenus sont morts sous la torture.
Selon l'Association des détenus et des disparus de la prison de Saydnaya (ADMSP), plus de 4.000 détenus y ont été libérés le jour de la chute de Damas aux mains des rebelles.
L.Sastre--MP