Quitter ou ne pas quitter X, le dilemme des collectivités
A l'instar d'institutions ou de personnalités publiques, des dizaines de collectivités, dont la Ville de Paris jeudi, ont annoncé leur départ du réseau social X, jugé toxique pour la démocratie depuis son rachat par Elon Musk. Mais d'autres restent pour maintenir un lien avec le citoyen.
Paris, Poitiers, Pantin, Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, Landes... Après le départ retentissant fin 2023 de la maire de Paris Anne Hidalgo (PS), qui avait qualifié X de "vaste égout mondial", et du maire de Nice Christian Estrosi (Horizons), l'univers des collectivités, si soucieuses de communiquer au plus près de leurs habitants, n'échappe pas à la nouvelle hémorragie qui frappe le réseau social.
Collectivité la plus suivie de France avec ses 2,2 millions d'abonnés, Paris a annoncé jeudi qu'elle quitterait X le 20 janvier, jour de l'investiture de Donald Trump aux Etats-Unis.
"Par le biais de ses algorithmes, la toxicité croissante de X empêche tout débat public équilibré et serein", a déclaré à l'AFP le premier adjoint à la maire de Paris Patrick Bloche.
"Depuis le rachat de la plateforme par Elon Musk, les propos mensongers, haineux, racistes, révisionnistes qui se répandent sur X menacent nos démocraties", s'est alarmé mardi le président de la Région Bretagne Loïg Chesnais-Girard (ex-PS), dénonçant un réseau "qui refuse d'appliquer les règles européennes de contrôle".
Même causes, mêmes effets pour l'Ille-et-Vilaine dont l'exécutif fustige un "niveau de toxicité (...) plus acceptable".
"Face à désinformation massive, au harcèlement, à la violence, aux soupçons d'ingérences étrangères... Il n'y a plus de doute, le réseau social X est aujourd'hui au service d'une idéologie d'extrême droite", plaide de son côté le président de la Loire-Atlantique Michel Ménard (PS).
Depuis l'élection de Donald Trump, le milliardaire libertarien et patron de X Elon Musk multiplie les prises de position politiques favorables aux partis d'extrême droite, parfois en pleine campagne électorale comme en Allemagne.
Comme nombre d'ONG, syndicats ou institutions scientifiques, beaucoup de collectivités répondent au mouvement "HelloQuitteX", créé en novembre, qui appelle à quitter collectivement X le 20 janvier.
-"Manipulation"-
"Après le 20 janvier, de facto, Elon Musk n'aura plus de compte à rendre à la justice. X (...) sera alors plus dangereux que jamais pour la santé mentale de ses utilisateurs et pour la démocratie", explique le site du mouvement, conçu pour faciliter le "déménagement numérique" des utilisateurs de X vers les plateformes BlueSky et Mastodon.
David Colon, spécialiste de l'histoire de la propagande, voit dans ces départs très médiatisés "une belle posture morale". Il rappelle de fait qu'il "n'existe pas de réseau social européen souverain, dont les données soient stockées en Europe et ne reposant pas sur un modèle publicitaire prédateur des données, à des fins de manipulation des comportements".
Interrogé par l'AFP, le mathématicien et directeur de recherche au CNRS David Chavalarias, l'un des initiateurs d'HelloQuitteX, estime pourtant qu'il n'y a pas d'équivalence entre X et les autres réseaux sociaux.
"Dans le fil X +pour vous+, on a un enrichissement à plus de 50% de contenus dit toxiques, c'est-à-dire que l'algorithme fait remonter les contenus les plus insultants, les plus polémiques", explique-t-il, ajoutant qu'on reçoit "les contenus de l'extrême droite américaine sans avoir rien demandé".
Les modalités de départ varient d'une collectivité à l'autre: le compte X de la Bretagne affichera un électrocardiogramme plat mais restera ouvert pour prévenir les usurpations d'identité. A Tours, le recours à X sera restreint aux "besoins exceptionnels" comme la "communication de crise". La Haute-Vienne, elle, a déjà complètement disparu du paysage X.
Pour autant, il n'y a "pas de tendance générale" au départ, analyse Yves Charmont, spécialiste de la communication publique locale, rappelant au passage que Facebook est "de loin le premier réseau utilisé dans les territoires ruraux ou semi-ruraux".
"Certains élus disent qu'ils ont du mal à maintenir le lien avec des personnes qui sont dans une posture d'éloignement de l'information et estiment qu'ils ne peuvent pas couper le son alors que leurs concitoyens sont encore sur X", souligne-t-il.
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G.Vogl--MP