

Dans un village corse, le Médicobus vient soigner au plus près
Toux tenace, renouvellement d'ordonnance ou dépistage de cancers... Nina, sept ans et Paule, 73 ans, sont parmi les premiers patients à consulter dans le Médicobus, cabinet médical itinérant stationné dans leur village de Pila-Canale (Corse-du-Sud).
"Je tousse beaucoup", chuchote à l'AFP Nina. Sa maman, Maryline Mounier, vient de la récupérer à l'école du village de 300 habitants, à vingt mètres du Médicobus.
"On ne peut pas faire mieux! En 15 minutes, elle a consulté et elle repart à l'école", confie la mère, assistante maternelle de 45 ans, heureuse de s'épargner le trajet de 45 minutes jusqu'à Ajaccio.
Face notamment aux déserts médicaux, "le Médicobus est une réponse essentielle pour garantir un accès à la santé à tous. Les mères de famille avec le gamin de 8H00 à 17H00 à l’école et qui vont aller après à Ajaccio pour consulter le pédiatre, c’est fini, il n’y a plus de pédiatres qui consultent après 18H00", souligne le docteur Augustin Vallet, porteur du projet de cette consultation mobile, qui a examiné Nina.
Avec trois autres médecins de la maison médicale du Prunelli, ils se rendent à tour de rôle dans cinq villages du Taravo (Olivese, Cozzano, Petreto-Bicchisano, Serra-di-Ferro et Pila-Canale), entre Ajaccio et Propriano, à raison de deux matinées par mois avec des consultations de médecine générale, gynécologie ou pédiatrie, en fonction des besoins.
"Cette offre n'est pas concurrentielle de celle qui peut exister sur notre territoire notamment en médecine générale", explique à l'AFP Emmanuel Guglielmi, le maire de Pila-Canale, pointant cette préoccupation des patients qui ne veulent pas être déloyaux envers leurs médecins traitants, très peu nombreux dans la zone, et des maires, qui ont du mal à faire s'installer des médecins sur leur commune et veulent les préserver.
- Cancers avancés -
"Les grandes oubliées de la santé sont les femmes ménopausées", glisse à l'AFP Morgane Chanzy, médecin généraliste de 32 ans spécialisée en gynécologie, qui officie aussi dans le Médicobus, pour expliquer l'importance d'amener des consultations gynécologiques dans les villages.
"On a de plus en plus de cancers du sein avancés. Il faut vraiment que l'on pousse au dépistage avec le Médicobus", ajoute Ophélie Luccioni, infirmière libérale de 41 ans sur ce territoire et adjointe au maire à Cognocoli, un village voisin.
"Le Taravo a été choisi pour son nombre élevé de patients n'ayant pas utilisé leur carte vitale depuis un an", explique à l'AFP Philippe Mortel, directeur départemental de l'Agence régionale de Santé (ARS). Dans cette zone, le nombre de personnes souffrant de maladies chroniques (diabète, cancers, problèmes cardiaques) et sans médecin traitant est "trois fois supérieur à la moyenne nationale".
Il pointe aussi "beaucoup d'aidantes qui s'occupent de leurs parents et négligent leur propre santé. Du coup, tous les cancers de la femme arrivent à Ajaccio très tardivement avec des pronostics plus mauvais".
"Le Médicobus est un projet innovant" inscrit dans une initiative nationale lancée en 2023 par le gouvernement "avec 11 Médicobus actuellement testés en France et un objectif de 100 bus pour couvrir les territoires sans médecin ou sans spécialiste", rappelle-t-il.
Il est financé par l'ARS à hauteur de 100.000 euros et de 55.000 euros par les services de santé au travail, la Mutualité sociale agricole (MSA) et les communes concernées (électricité, eau...).
Le véhicule est organisé en deux espaces d'accueil et de consultation, avec tout l'équipement d'un cabinet classique, une connexion internet, l'eau et l'électricité. Il est prêté par les services de santé au travail de Corse-du-Sud, qui possèdent quatre véhicules aménagés, ou par la MSA qui en a un. Véhicules déjà été utilisés comme vaccinobus pendant l'épidémie du Covid-19.
Au total pour la matinée, huit consultations ont eu lieu, dont trois sur rendez-vous, une popularité encourageante.
"Tout ce qui aide le rural, c'est bien", assure Paule Bertoncini, retraitée "invalide" de 73 ans souffrant d'une spondylarthrite ankylosante (inflammation chronique des articulations) et venue pour un renouvellement d'ordonnance. "Un drive ou une épicerie, ça serait bien aussi", glisse-t-elle.
M.Schulz--MP