

Immigration: le Sénat adopte deux textes LR chers à Retailleau
Rétention allongée pour les étrangers dangereux, prestations sociales conditionnées à une durée de résidence... La droite sénatoriale a relancé les débats sur l'immigration en faisant adopter mardi deux propositions de loi fidèles à la ligne de Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur en quête de résultats.
Mis sous pression par le Rassemblement national (RN) et par son rival à l'élection à la présidence des Républicains, Laurent Wauquiez, dans le cadre du bras de fer engagé par la France avec l'Algérie, Bruno Retailleau peut toujours compter sur le Sénat, où il a lui-même siégé pendant 20 ans.
La droite sénatoriale, première force de la Haute assemblée, a en effet fait prospérer deux initiatives déjà portées dans le passé par l'actuel ministre de l'Intérieur.
"Nous faisons nôtre la volonté exprimée par Bruno Retailleau d'avoir des dispositions législatives pour traduire les discours en actes", a martelé auprès de l'AFP Mathieu Darnaud, successeur du locataire de Beauvau à la tête du puissant groupe LR.
Le premier texte, soutenu par le gouvernement et adopté à 230 voix contre 109, entend "faciliter le maintien en rétention" des étrangers condamnés pour des faits graves.
- Mesures censurées -
Il prévoit ainsi d'étendre, de 90 jours maximum actuellement, à 180 jours, voire 210 jours dans certains cas, la durée de maintien en centre de rétention administrative (CRA) des étrangers frappés d'une décision d'éloignement et condamnés pour un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement.
Ce délai étendu, qui existe déjà en matière de terrorisme, concernerait également les étrangers non condamnés mais constituant "une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public", en cas de radicalisation par exemple.
Les sénateurs entendent répondre à certains faits divers comme le meurtre de l'étudiante Philippine, tuée en septembre 2023 par un Marocain sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF); puis l'attaque au couteau perpétrée à Mulhouse (Haut-Rhin) en février par un Algérien également sous OQTF.
L'initiative prend un écho particulier dans le contexte des tensions franco-algériennes, alors qu'Alger a opposé lundi une fin de non-recevoir à une liste d'Algériens expulsables transmise par Paris, conduisant le ministre de l'Intérieur à promettre le lancement d'une "riposte graduée".
Sur la durée de rétention en CRA, "nous devons réfléchir à la possibilité d'aller plus loin", a lancé devant les sénateurs François-Noël Buffet, ministre auprès de Bruno Retailleau à Beauvau.
M. Retailleau s'était déjà dit ouvert à une durée de rétention en CRA étendue à 18 mois ces derniers jours, mais le gouvernement n'a pas déposé d'amendement en ce sens mardi.
Encore plus épidermique pour la gauche - et pour les macronistes qui ont voté contre -, l'autre proposition de loi LR, adoptée à 204 voix contre 136, cible cette fois l'immigration régulière.
Elle prévoit de conditionner l'octroi de certaines prestations sociales aux étrangers à une durée de résidence en France d'au moins deux ans, reprenant partiellement des mesures censurées de la loi immigration.
Parmi elles, les allocations familiales, l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou encore l'aide personnalisée au logement (APL).
- "Dérive" -
Objectif affiché: limiter "l'appel d'air" migratoire que représenterait le régime social français.
En avril 2024, le Conseil constitutionnel avait jugé qu'un conditionnement à cinq ans de résidence était "disproportionné", conduisant Les Républicains à proposer d'abaisser cette durée à deux ans.
Le gouvernement a rendu un "avis de sagesse" sur ce texte, ni favorable ni défavorable, la ministre déléguée à l'Autonomie Charlotte Parmentier-Lecocq émettant plusieurs réserves.
Elle comme de nombreux parlementaires ont en effet constaté que ces dispositions ne pourraient s'appliquer à de nombreux ressortissants étrangers en raison des nombreuses conventions bilatérales de sécurité sociale conclues avec des pays tiers, au Maghreb et en Afrique subsaharienne notamment.
La gauche, elle, est vent debout et a dénoncé dans un climat parfois agité une "dérive xénophobe".
La chambre haute "n'est pas là pour servir les intérêts personnels de Bruno Retailleau dans sa course à l'Elysée", s'est indigné le chef des sénateurs socialistes, Patrick Kanner.
Ces initiatives vont-elles prospérer ? Interpellé à l'Assemblée par Laurent Wauquiez, le Premier ministre François Bayrou a semblé confirmer que ces deux textes "seront examinés de la même manière" pour "progresser" sur le contrôle de l'immigration.
P.Walsh--MP