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En Grèce, d'île en île avec les camions médicaux itinérants
En Grèce, d'île en île avec les camions médicaux itinérants / Photo: Spyros BAKALIS - AFP

En Grèce, d'île en île avec les camions médicaux itinérants

Devant l'école de la petite île grecque de Sikinos, deux imposants poids lourds viennent de s'immobiliser après une traversée de plus de huit heures sur un ferry soumis à la houle de la mer Egée en hiver.

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Les portes du premier camion s'ouvrent sur un cabinet dentaire et une cabine de mammographie. Dans l'autre véhicule, le gynécologue obstétricien Panagiotis Thomopoulos attend ses premières patientes.

"Nous effectuons tous les examens gynécologiques de routine et des colposcopies ou des frottis" pour un dépistage du cancer du col de l'utérus, explique le médecin qui exerce en semaine dans un hôpital d'Athènes.

Depuis dix ans, chaque week-end sauf en été, ces camions aménagés en cabinet médical dispensent gratuitement des soins aux habitants des îles et régions reculées.

Pays morcelé, la Grèce se compose de plus de deux cents îles habitées dont certaines ne comptent qu'une poignée de résidents permanents.

Financés par la puissante fondation Stavros Niarchos, qui construit aussi trois hôpitaux ultramodernes en Grèce et rénove de grands hôpitaux à Athènes, ces poids lourds médicaux comblent en partie les manques de l'Etat.

D'Athènes aux îles de la mer Egée, les doléances sont sans fin face au délitement de l'offre publique de soins depuis la crise financière qui a secoué la Grèce.

L'ONG "Médecins de l'Egée" vole aussi au secours des insulaires.

- "Vulnérables" -

Avec 1.874 euros par habitant en 2021, le pays a dépensé moins de la moitié de la moyenne des dépenses totales de santé dans l'UE, selon un rapport de l'OCDE.

Sur cette terre lointaine de l'archipel des Cyclades, "nous n'avons ni hôpital, ni médecin spécialiste, ni équipements médicaux", explique à l'AFP le maire, Vassilis Marakis. "Nous nous sentons vulnérables".

En hiver, l'île restée à l'écart du tourisme compte moins de deux cents habitants. Dans les ruelles étroites qui s'enroulent autour de l'église à coupole bleue, les chats ont pris le pouvoir.

Au café, un sapin de Noël clignote face à quelques habitués âgés qui commentent le match de foot du jour. Les tavernes sont fermées.

En cas d'urgence médicale, "il faut évacuer la personne par hélicoptère", reprend le maire. En hiver, les caprices de la météo peuvent couper du monde certaines îles pendant plusieurs jours.

Même pour les bobos, les poussées de fièvre ou les otites des 17 enfants scolarisés à Sikinos, les difficultés d'accès aux soins sont problématiques.

"Il faut faire une demi-heure de bateau pour consulter le pédiatre (de l'île voisine) de Ios", explique Paraskevi Karayianni, puéricultrice en crèche de 41 ans, mère d'un enfant de quatre ans et demi.

"Nous devons l'appeler et il nous fait passer en priorité", ajoute-t-elle.

- "Véritable pharmacie" -

"J'ai chez moi une véritable pharmacie qui va des médicaments de base aux antibiotiques", détaille-t-elle.

Pour cette mission à Sikinos, l'équipe médicale compte 18 personnes, dont un cardiologue, un ORL, une ophtalmologue.

Quelque 60 habitants de Sikinos ont pris deux ou trois rendez-vous pour diverses consultations, selon Elisabeth Kyritsi, coordinatrice en chef de l'équipe.

Dans une salle de classe dont les murs scandent les grandes dates de l'histoire de la Grèce, une infirmière effectue des prises de sang. Installée derrière un paravent bleu, l'orthopédiste Alexandra Koukoutsi inspecte les genoux fatigués de "Madame Kalliopi".

"Le plus grand défi pour nous, c'est que nous n'avons rien pour accompagner les soins comme la kinésithérapie. Nous devons trouver d'autres solutions", souligne Alexandra Koukoutsi en recommandant des exercices à sa patiente âgée.

Le taux de soins médicaux non satisfaits en Grèce (9,0%) est "considérablement plus élevé que la moyenne de l'UE" (2,2%), diagnostiquait en 2023 l'OCDE.

Sur ces îles reculées, l'équipe médicale rencontre aussi des problématiques spécifiques. "Certaines femmes n'ont jamais consulté de gynécologue en raison du tabou qui peut encore prévaloir dans la tranche de population la plus âgée", souligne Panagiotis Thomopoulos.

Les frais de transport pour une consultation à Athènes ou dans une grande ville s'avèrent parfois dissuasifs.

Pourtant, l'action des camions médicaux est décisive. Sur une autre île, le gynécologue a diagnostiqué un cancer utérin chez une patiente.

"Je l'ai envoyée chez un confrère (dans la grande ville de) Thessalonique. Elle a été opérée", poursuit-il. Et "nous l'avons sauvée".

D.Johannsen--MP